Le problème avec la trend de Ghibli : l’IA et l’esthétique récupérée

L’intelligence artificielle générative ne cesse de surprendre par sa capacité à créer des images inspirées de styles emblématiques. Récemment, la trend des images « façon Studio Ghibli » produites via ChatGPT et d’autres IA dédiées a explosé sur le web. Mais derrière cette fascination se cachent des problèmes complexes, liés au droit d’auteur, à la dévaluation artistique et à une contradiction philosophique profonde.

Problèmes juridiques et question de copyright

L’IA générative s’appuie sur d’immenses bases de données d’images, souvent constituées d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Le style Ghibli, reconnu pour ses couleurs vibrantes et ses décors oniriques, est directement associé aux films de Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Pourtant, les images produites par IA reproduisent cette esthétique sans autorisation explicite.

  • Studio Ghibli n’a pas publiquement interdit ces générations, mais cela ne signifie pas que l’utilisation commerciale de ces images est légale.
  • Des artistes comme Karla Ortiz ont intenté des poursuites contre les plateformes utilisant leurs œuvres sans consentement.
  • OpenAI semble adopter une politique contradictoire : certaines versions de ChatGPT bloquent les requêtes liées à Ghibli, tandis que d’autres les autorisent.

Cette incertitude laisse planer un doute juridique qui pourrait aboutir à des restrictions plus strictes à l’avenir.

Un impact négatif sur les artistes humains

Les images produites par IA dans le style Ghibli sont souvent perçues comme des imitations sans âme. Sur Reddit et Twitter, des artistes dénoncent cette tendance qui éclipse les créateurs authentiques.

  • L’art traditionnel repose sur une intention et une compréhension profonde du médium, que l’IA ne peut réellement reproduire.
  • Les commanditaires préféreront-ils des images gratuites issues d’une IA plutôt que de faire appel à un illustrateur professionnel ?
  • La viralité des images Ghibli générées par IA banalise un style qui repose sur des décennies de perfectionnement artistique.

La création par IA pose donc un dilemme pour les artistes : comment préserver leur place dans un monde où la production d’images devient instantanée et automatique ?

Une contradiction philosophique

L’essence du Studio Ghibli repose sur une vision artistique traditionnelle. Hayao Miyazaki a toujours refusé l’automatisation dans l’animation, préférant des dessins faits à la main et des techniques artisanales. Or, les images Ghibli par IA contredisent cette approche.

  • Ghibli valorise la minutie et l’expressivité humaine, loin de la standardisation des IA.
  • Les films du studio célèbrent la nature et l’émotion humaine, tandis que les algorithmes sont froids et déconnectés de toute intention artistique.
  • Ironie : l’IA, très gourmande en énergie, sert ici à imiter un art qui prône la simplicité et l’harmonie.

Cette opposition entre technologie et art pose une question fondamentale : une image produite par IA peut-elle véritablement avoir une « âme » ?

Une dilution culturelle et artistique

Le succès des images Ghibli créées par IA les transforme en simple tendance virale. Elles deviennent des « mèmes », vidées de leur signification originale.

  • L’IA simplifie le style Ghibli en un simple « filtre » appliqué à n’importe quelle image.
  • Elle supprime l’importance de la narration, du contexte et de l’émotion, éléments pourtant essentiels aux œuvres du studio.
  • Ce phénomène révèle un rapport consumériste à l’art : on cherche à produire rapidement, plutôt qu’à apprécier et comprendre.

Ce qui fait la richesse d’un style, ce ne sont pas seulement ses couleurs ou ses formes, mais la vision de ses créateurs. L’IA peut imiter l’apparence, mais pas l’âme.

Réactions et controverses

La tendance n’a pas tardé à provoquer des réactions. Parmi les éléments marquants :

  • Une fausse lettre attribuée à Studio Ghibli, interdisant ces générations, a circulé sur internet.
  • OpenAI a répondu à plusieurs demandes d’explication sur ses politiques floues concernant ces images.
  • Des débats entre partisans et opposants des IA artistiques ont éclaté sur les réseaux sociaux et dans les médias.

Si certains voient ces outils comme une démocratisation de la création, d’autres y perçoivent une destruction de la valeur de l’art.

Conclusion : au-delà du simple effet de mode

Le phénomène des images Ghibli par IA met en lumière des problèmes qui dépassent le simple cadre de la tendance virale. Il pose des questions sur la place de l’IA dans l’art, le respect de la propriété intellectuelle et l’évolution des modes de consommation de la culture.

Ce n’est pas simplement une question de « belle image ». C’est une réflexion sur ce qui fait qu’une œuvre est authentique, sur la manière dont la technologie redéfinit nos rapports à l’art et sur les limites que nous voulons (ou non) lui imposer.